Hémorragie interne



Et après Charlie ?

Quelque part sur le globe, dimanche 11 janvier 2015,
une onde a transcendée la planète, de part en part
une multitude de voix, de sons, de cœurs étaient à l'unisson
Même l'hypocrisie semblait parfois se mettre au diapason
Même la sincérité avait un goût de prière
J'ai tout vu, tout entendu, tout enregistré
J'ai ingurgité
en apnée

Mais tu sais Charlie, je vais te dire un secret
Approche plus près
que je puisse murmurer
Je n'en peux plus de chialer Charlie

Peut-être qu'au pays du Père-Noël ils ne savent pas encore
Qui est Charlie... Parce que pour le reste,
Tous les gros yeux du monde ne regardent que ça :
ce pays redessiné par des souris et pour plus de facilités, décrété Hexagone.

Charlie, Charlie, tout un monde nous braque
Il n'y a d'yeux que pour notre pays,
toutes les paires... yeux
Ce berceau de tant des ingrédients de solides fondations
solides...

Mais toi Charlie, t'avais rien demandé hein ?!
Les voilà à présent qu'elles débarquent en masse les grosses têtes
Ces têtes politiques que je m'abstiendrai de citer.
Et aucune contradiction ne les fait battre en retraite.
Plutôt que de tendre un crayon le nez en l'air
Ils préfèrent importer les limites des dictatures
Juste histoire d'être plus discrets dans leur hypocrisie.
Jeu de dupes, de résistants, de collabos, et d'indécis
A donner la nausée...

Mais Charlie tu as vu ce bazar ?
Envoyez-nous le mode d'emploi quoi !
Parce que...
Ok ici c'était une puanteur, le bourbier,
ça l'est encore du reste,
Mais demain ? Demain ?

Savoir faire redémarrer une voiture poussiéreuse de 50 balais,
c'est faisable avec de bonnes connaissances, de la technique
Mais prévenir pour empêcher les autres Charlie de retomber, de glisser
Dans l'asthénie collective et les mêmes affres que ceux d'avant
avant hier c'est pas pareil !

Mais Charlie, arrête de picoler dans ton paradis et aide-moi
Oui je sais tu n'as rien demandé
Mais c'est arrivé...

J'ai pas demandé à chialer mais j'peux pas me battre en chialant
Personne ne me demande de me battre ?
Mais c'était un message fort pourtant
Et puis... si je ne le fais pas, je serai qui ? quoi ?

Tu dis que mon arme je l'ai à la main...
Et que tout bon chevalier porte une arme et un bouclier
Ben tu sais ça tombe plutôt bien parce que j'ai un crayon, un taille crayon, et une gomme !
Et alors... je vais en faire quoi de ce crayon ?
J'ai pas ton talent, j'ai juste des myriades de mots dans la tête
Et ni assez de justesse et de lucidité pour les agencer avec brio,
ni le charisme d'un intellectuel rompu à ces considérations

La plaie saignait déjà, avant, bien avant tout ça
L'hémorragie interne était déjà là, tapie dans son ombre
Et elle saigne, saigne encore un peu plus chaque jour
Du cours d'eau on passe au ruisseau
Et si rien ne vient, alors ce sera un fleuve
Alors quoi ?

Mon héritage c'est pas tout ce fatras mais tous les fatras,
ici comme aux quatre coins de cette foutue planète
D'où sont venues ces graines empoissonnées si ce n'est de ce que nous avons fait ou pas fait ?
La sidération n'a d'égal que la synergie du merdier à l'abandon depuis trop de décennies
Et puis on te fait dire tout et son contraire Charlie
Toi qui as tant lutté dans l'indifférence générale
Toi un des derniers bastions d'un pays qui a perdu ses valeurs
Un peu comme ces flics qu'on insultait et qu'on applaudit aujourd'hui

Mais c'est quoi tout ça ?
Moi les miracles, ne m'ont jamais éblouie
Parce que les chimères, ça n'existe pas.
Beaucoup trop de gens aujourd'hui
Revendiquent être Charlie
Et pendant que des gens par milliers tombent juste un peu plus loin
Sous les mêmes armes et quels que soient leur sexe, leur âge, leur être
Abattus de façon abjecte,
Tous ces Charlie d'un jour, d'une semaine,
que disent-ils ?
Je ne les entends pas
Je ne les entends pas
Je ne les attends pas
plus.

Et puis il y a les autres
Ceux qui se laissent embrigader, fourvoyés par les mensonges colportés
Ici on crie à la conspiration
Là on crie au blasphème et à une nouvelle provocation
Mais quel cirque !
Si ce n'était aussi tragique, ce serait à en mourir de rire.

Alors quoi Charlie ?
Et pourtant je t'interpelle Charlie
Tu n'es qu'un symbole
toi qui les détestais tant d'ailleurs
Charlie, c'est l'histoire de gamins qui disaient à d'autres...
Ça c'était la belle histoire, la sincère, la nécessaire...

Mais aujourd'hui je suis rouge, le rouge sang de l'agonie
Le rouge de la révolte, le rouge... parce que le sang qui coule est rouge
parce que demain sera compliqué, difficile, sûrement dangereux

Et par où commencer ?
Tout est à reprendre, repenser, re-conceptualiser
A commencer par ce qui vient de se produire
Et en remontant les époques pour y dénicher
Les vraies raisons qui ont mené à cette ignominie
Parce que ne l'oubliez pas ! Des enfants de notre nation ont sombré dans cette obscurité.

J'ai une gomme, mais il ne m'est pas possible d'effacer ce qui cloche.
Vous avez ? Vous possédez ? Etes satisfait d'avoir ?
Votre existence se résume-t-elle à la présence ou l'absence de frustration ?

Par le passé, on disait :"Je pense donc je suis"
Aujourd'hui ce qui fait loi est "j'ai donc j'existe"
Tant que le verbe être n'aura pas retrouvé sa place tout en haut de Babel
Alors nous serons dans une merde noire.

Vous avez ? Vous possédez ? Etes satisfait d'avoir ?
Normal, c'est le message véhiculé depuis des décennies.
Pour autant, pensez-vous vraiment que ce soit une fin en soi ?
Pensez-vous que votre iphone, vos baskets, vos jeans vous rendent heureux ?
Posséder ou être frustré de ne pas posséder,
cela doit-il représenter un incontournable combat ?
Et si demain plus rien ne devait exister ?
A votre dernière heure
A la dernière minute,
Que tiendriez-vous à la main ?
Un portable ou une autre main ?





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